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308 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

restaient cachés. Et je me demandais si les pensées véri- tables de ma mère ne s'étaient pas toujours dissimulées de la sorte sous des plis austères.

Son agitation ne s'apaisait pas. Elle attendait de moi une parole de soumission, une promesse. Mais je m'obs- tinai dans le silence. Nous arrivâmes à la maison. En me laissant, elle me dit :

— Puisque tu ne veux pas entendre raison, je saurai bien te soustraire à cette influence. »

Le lendemain, qui était jour de congé, je ne vis pas Silbermann. Le jour suivant, il ne parut point à la classe du matin. Et bientôt on apprit que le proviseur avait envoyé une lettre à ses parents, leur donnant le conseil, vu le désordre dont il était la cause, de retirer leur fils du lycée.

VII

Comme je veux, aujourd'hui, retracer mes sentiments lorsque j'appris cette nouvelle, il me semble que mes souvenirs sont les lambeaux d'un rêve, et d'un rêve affreux. Je me retrouve au lycée ayant presque perdu la notion de ce qui m'entoure, remarquant à peine les figures railleuses de mes compagnons et restant indifférent à leurs sarcasmes. Dans ma tète, des questions s'élancent avec un bourdonnement infini : « Est-ce ma mère qui l'a fait renvoyer ?... Que devient-il ?... Où le voir ?... Com- ment le sauver ? »

Je lui écris successivement deux lettres ; elles restent sans réponse. Et comme je n'ose me présenter chez lui où je sais que maintenant mon nom est haï, je vais rôder autour de son habitation dans l'espoir de le rencontrer. Une fois, je m'enhardis à interroger quelqu'un de sa mai- son et, sur l'information vague qu'il est sorti, je décide d'attendre son retour. Il y a devant sa demeure un jardin dont la grille est entrebâillée. Je me glisse là et, posté dans

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