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330 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rielle encore plus sérieuse. Je ne blâme personne, mais il ne faudrait pas que ces conséquences naturelles d'une position diffi- cile vinssent encore ajouter, par elles-mêmes et de surcroît, aux difficultés de cette position. Que nos colères contre le germa- nisme (considéré dans son bloc depuis le douanier jusqu'au philosophe) aient ralenti par exemple, jusqu'à le supprimer presque, le courant des échanges intellectuels, condamné l'un et l'autre peuple à se voir longtemps encore à travers les déformations soupçonneuses de la passion, c'est aussi inévitable que des gelées au printemps ou de la chaleur à la canicule. La même saison ne dure pas toujours. Ce qui serait dangereux, ce serait que cette crise aiguë et locale, cette réaction nécessaire de l'organisme après la guerre (car une maladie peut fonctionner comme réaction utile) passât à l'état chronique et généralisé. Ce serait enfin, pour appeler les choses par leur nom, qu'il s'éta- blit en France, pour une certaine période, un courant xéno- phobe.

J'y songeais en lisant le livre de M. L. Reynaud sur Y Influence allemande en France au XIX e siècle '. M. Reynaud n'est évidem- ment pas un xénophobe de goût et de profession, mais bien plutotlecontraire.il enseigne à l'Université de Clermont la langue et la littérature allemande. Il s'est consacré depuis long- temps à l'étude des rapports intellectuels entre la France et l'Allemagne à toutes les époques de leur histoire. Son ouvrage encore inachevé sur les Origines de l'influence française en Alle- magne marque, en général avec le parti pris d'une thèse, mais souvent avec des preuves convaincantes, à quel point l'influence française a agi au moyen âge sur la civilisation allemande, l'a créée en bonne partie. Son Histoire générale de l'influence fran- çaise en Allemagne nous donne un très bon manuel sur cette question. Le livre qu'il publie aujourd'hui est écrit avec une netteté, une intelligence remarquables. Admirablement informé, il apprend beaucoup. Il n'est pas éloquent, mais, ce qui vaut mieux, ironique et incisif.

Bien qu'il présente, par sa forme, un genre d'intérêt diamé- tralement opposé, on pourrait le mettre à côté du Stupide XIX e siècle de M. Daudet et du Romantisme français de M. Las-

i. Hachette, 1922.

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