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n’est passé sous silence. Duvernois nous donne à rire avec chacun d’eux. Il a une façon toute personnelle de faire de chaque lecteur son complice. Sa gaieté n’est jamais truculente ; il parle à mi-voix, en accompagnant ses phrases d’un clin d’œil irrésistible. Son humour n’est jamais impitoyable, ni même cruel. L’humanité qu’il représente n’est ni basse, ni vicieuse ; il peint la médiocrité et la mesquinerie humaines.

Les héros de Tristan Bernard ou de Capus, médiocres et mesquins eux aussi, étaient en même temps d’une veu- lerie qui les entraînait loin sur la voie de la malhonnêteté ou de la perdition, jusqu’à l’escroquerie, au vol et même à l’assassinat. Mais il n’y a peut-être pas dix personnages dans tout Duvernois qui ne soient d’une scrupuleuse probité.

Le risque que court ainsi Duvernois, c’est de paraître à la fois artificiel et superficiel. Et c’est bien là en effet la plus grave critique qu’on puisse adresser à ses premiers romans. Mais le reproche n’est presque plus valable quand il s ? agit de ses contes. La race des Birotteau, des pères Goriot, et de leurs compagnes est encore loin d’être éteinte. Il suffit pour s’en assurer de feuilleter chaque semaine les petites correspondances des journaux de modes ou de villégiaturer un été à Ault-Onival ou au Tréport. Il y a sans aucun doute chez Duvernois un gros contingent de souvenirs livresques, de « bonnes histoires » louis-philippardes ou juives, une conception de la bourgeoisie marchande héritée de Balzac et corrigée d’un sourire emprunté à Gavarni et à Henri Monnier, mais il y a aussi une très forte part d’observation directe.

Aussi trouve-t-on dans chacun de ses contes une part de « métier » et une part de spontanéité. Il divertit son lecteur « selon la formule », mais aussi « selon la vie ». Un des secrets de son art est dans sa façon de doser et d’amalgamer l’un et l’autre élément.