Page:NRF 19.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur sa robe blanche. L’opportunité de ce rapprochement la fit sourire et fit perdre au sous-officier le reste de son prestige. Elle se mit immédiatement à laver la tache de sang avec ses filles.

Une paysanne, ignorante de tout, qui arrivait de la campagne pour vendre ses légumes verts sur le marché, lui demanda ce qu’elle faisait de si bonne heure :

— « Mon nettoyage », répondit-elle simplement.

Le lendemain elle envoya les filles de Clodomir porter des fleurs sur la victime de leur père et elle fut fidèle à en parer sa fosse tous les dimanches :

— « C’est bien le moins que nous puissions faire pour lui. »

La mère du sous-officier voulut la voir. Elles pleurèrent ensemble. Sidonie se plaignit de son mari. Mais quand la mère du sous-officier voulut se permettre de s’en plaindre à son tour, Sidonie lui déclara qu’elle avait le malheur d’être la femme de Clodomir, qu’elle n’avait pas cependant le goût d’entendre dire du mal de lui, qu’elle aurait toujours peur d’être tuée par lui sur la terre, sans avoir le droit de désirer sa mort ni aussi bien de ne plus l’aimer.

Après quelques mois, l’acquittement prononcé, Clodomir est revenu dans sa maison, dans sa chambre vieillir entre ses deux filles, auprès de sa femme. Ils forment une famille modèle, — où l’on s’aime plus qu’ailleurs, dans un ordre parfait, une propreté irréprochable et un peu de musique.

La chambre d’amour est la chambre du meurtre.

Une terreur panique enveloppe le front désormais inaccessible de Sidonie.

Le lit de Clodomir est un échafaud.

La main de l’assassin glace des pieds à la tête ceux qui n’ont pas le courage de lui refuser de la prendre.

Un diadème et un manteau rouge éternellement le revêtent, aux yeux des petits enfants qui l’ont entendu tuer.