Page:NRF 19.djvu/423

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PROJECTIONS OU APRES-MINUIT A GENEVE 42 1

��*

  • *

��Une Argentine de treize ans suit sa maman, cuirassé digne fendant la masse de sa proue présomptueuse. La fil- lette, penchant la tête, continue la musique de sa voix d'airelle. Ses jambes poétisées de soie esquissent le fox- trott.

La mère parle avec le vieux maquillé :

« C'est un bijou ; dactylographe de primier cartel. Elle a de la virtuosité dans les doigts, comme dit son professeur, un monsieur très sérieux. J'accepterais pour elle une place convenable et sérieuse de petite secrétaire. »

��* *

��Derrière moi deux Allemands contemplent, mornes, leurs escarpins torpédos. Ils parlent à voix basse, avec ce défaut des riches qui appliquent la langue contre les inci- sives d'en haut.

Leurs mains se tordent au blanc lustré de la douce che- mise.

Leurs jeunes mains se possèdent tragiquement, cherchant en vain l'union complète. Silencieux et pleurants, ils se baisent, joue violette contre joue glissante.

Ce sont des adieux, je suppose.

Le plus grand porte le ruban des vertus militaires.

Héroïque et pure Europe.

��*

  • *

��La femme du ministre a cette façon capitaliste de serrer les lèvres et, les yeux perdus, d'ignorer le monde et sa, propre danse.

Mais j'ai le regret de constater, Madame, que votre dan- seur de quatorze ans rougit beaucoup trop. Proflteriez- vous innocemment de son front, chère Madame ?

�� �