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PROJECTIONS OU APRES-MINUIT A GENEVE 43)

— Raconte encore chérie, soupire Thézou aux yeux palmés lâchement de bleu.

— Oui, mon père me disait qu'à ce temps, il n'y avait pas d'Anglais, de Boches et toute la boîte. Il y avait nous qu'on causait tous comme à la synagogue, et puis un tas de pays qui sont morts.

Mon pauvre papa m'a dit avant de passer : « Que tu vives, ma Rachel, que tu aies un bon mari, et que tu voies notre prince ! »

Tu comprends, c'est un chef des temps anciens qui cen- sément reviendrait. Alors il n'y aurait soi-disant plus d'embêtements, de police, de maladies. Tout le monde serait content, bon,, gentil quoi. On chanterait dans les jardins, il y aurait des fleurs qui remueraient et des entants qui riraient.

— Des petits enfants ? Dis-moi encore, Rachel, dis-moi, répètent les jeunes lèvres fanées.

Prospero s'exténue sur la grosse caisse et s'essuie avec un mouchoir rougi de sang. Le trombone volute tristement des airs de ménageries.

Je prophétise. L'Europe crève, cher Ivan.

j'ai envie de prendre la Bible de mes pères et d'écra- ser ces impurs. Je serai le gueuleur que Dieu saisit aux épaules. Mes lèvres abruties hurleront carnages et abattoirs. Ridicule, je courrai sur les places et je lancerai les torches sur les têtes des riches.

Par mesure d'économie, Monsieur le Directeur a éteint cent phares. Je les ai comptés. Un camion roule dans la rue. Est-ce un tank, grouillant de Moscovites et de poux ?

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