4)2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
nous apporter, bien souvent, cela même que nous n'avions pas expressément cherché, une conversion de l'adversaire, ou, du moins, une modification de ses idées parallèle à la nôtre. L'his- toire politique, intellectuelle et morale de la France, c'est, en même temps qu'une lutte, un dialogue franco-anglais, franco- allemand, un dialogue que nous devons chercher à élargir. Et je sais bien que cela a ses limites, et que la planète, en 1922, n'est pas un jardin d'Academus. C'est une multiplicité de carrefours où nous sommes toujours entre la guerre et la paix, et où « Ne pas chercher à comprendre » marque toujours la direction de la guerre. Comprendre les choses, mais aussi comprendre les hommes, comprendre les nations. Thucydide était une admi- rable lecture de guerre ; Platon ferait une de nos meilleurs lec- tures d'après-guerre.
La Crise des Alliances, appuj^ée sur une documentation que la Société d'Etudes économiques mettait à pied d'oeuvre pour Fauteur (forme de la division du travail qui deviendra de plus en plus indispensable à l'histoire contemporaine) nous fait suivre, d'une manière d'ailleurs un peu distante et froide, en nous invi- tant à y mettre de la vie plus qu'à en trouver, le dialogue franco-anglais pendant ces trois ans. Un dialogue où on ne parle pas, des deux côtés, la même langue, ce qui nous fait saisir l'utilité de ce que M. Fabre-Luce appelle un lexique poli- tique. Le rôle utile de M. Cammerlynck le tente : Soc.ate se vantait d'ailleurs d'être un bon entremetteur. C'est ainsi, dit M. Fabre-Luce, que « les mesures de contrainte militaire contre l'Allemagne, que nous appelons sanctions, sont couramment caractérisées dans la presse britannique par un terme de guerre : - invasion ; les Anglais refusent l'expression juridique, parce qu'ils nient la réalité du contrat. De même, l'idée de la com- pensation des dettes internationales se rattache dans leur esprit à l'idée de l'égalité morale des combattants... La géographie suffirait à expliquer la différence de ces conceptions. Mais elles expriment aussi un désaccord philosophique. » Dialogue, défi- nition et analyse des termes, mises à nu des ressorts psycholo- giques de l'interlocuteur, tout cela me paraît la bonne méthode, qui a besoin de temps pour donner ses fruits : le temps dénouera ce qu'il a, par la nécessité de l'apprentissage et des erreurs, contribué à embrouiller. Mais il va de soi que tout cela
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