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NOTES 467

l'abaisser, au Livre de mon ami. On peut à la rigueur juger un peu faciles certains couplets de la Vie en fleur (sur l'inutilité des récompenses dans les écoles, sur la gratuité de l'enseignement, etc.). On peut dire aussi qu'après le Livre de mon ami, Pierre No^ière, le Petit Pierre, la matière manque un peu de nouveauté. Mais la Vie en fleur est le dernier tome d'un ensemble de Souve- nirs d'enfance, qu'elle prolonge en Souvenirs d'adolescence. Le ton devait donc demeurer le même ici que dans les précédents volumes et en vérité, si tous les morceaux de la Vie en fleur ne se valent pas, il y avait bien quelque inégalité aussi entre les chapitres du Livre de mon ami ; et les meilleures pages de la Vie en flair (la méditation sur la VI e églogue ; Marie Bagration ; Comment je devins académicien) ne le cèdent en rien aux meil- leures des livres précédents.

Peut-être même leur sont-elles supérieures. On devine bien pourquoi elles ont pu décevoir et déconcerter certains : moins amères, moins corrosives que leurs aînées, elles décèlent l'apai- sement de la vieillesse. Apaisement, et non pas relâchement, ni abdication. Ce que perd la Vie en fleur en virulence, elle le regagne en humanité et la grâce de France se pare ici d'une indulgente et souveraine coquetterie, dont on ne saurait dire que l'accent est nouveau, mais qui jamais ne s'était étalée avec autant de continuité. Ce n'est plus l'ironie et le sarcasme d'au- trefois que le vieillard France oppose à la perversité de la nature humaine et de la société, ce n'est pas davantage « le froid silence » d'un Vigny, c'est une morale d'altruisme, de modéra- tion, de beauté d'une noblesse antique.

Les morceaux les plus réussis de la Vie en fleur sont les morceaux consacrés à l'expression de grandes considérations morales. A-t-on dit déjà que rien n'existe pour Anatole France, comme pour les classiques dont il est le continuateur, en dehors de l'humain, qu'il est incapable par exemple de pein- dre ou d'évoquer la nature (voir l'échec des pages 153 et 154), alors qu'il excelle à parler d'un tableau la représentant ?

C'est encore par son art d'émailler un récit de réflexions piquantes ou paradoxales sans jamais l'interrompre ni le ralentir et par celui de frapper en médailles des vérités morales qu'Anatole France reste inimitable. Cette familiarité et cette grandeur, qui lui viennent d'une intelligence intime de l'anti-

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