FINALE DE SIEGFRIED ET LE LIMOUSIN 575
huit pieds de haut... J'étais sur le point de tomber de fatigue... Kleist s'avança :
— De la part du Sénat et de la Chambre, dont je suis le mandataire, je demande à Zelten combien de minutes encore il entend prolonger cette plaisanterie...
— Le mandataire de qui ? demanda Zelten.
— D'un pays que vous vous retirez le droit de dire vôtre, l'Allemagne.
— Messieurs, dit Zelten, dans une heure j'aurai quitté le palais. Ce n'est pas vous qui m'en chassez, ni l'Alle- magne. Je persiste à croire que les vrais Allemands sont avec la paix, l'amour des arts et la fraternité. Ce qui m'en expulse, ce sont deux télégrammes pour Berlin que voilà interceptés : le premier vient d'Amérique, et est adressé à Wirth. Je vous le lis : Si Zelten se maintient Munich, annulons contrat pétrole. Le deuxième vient de Londres et est adressé à Stinnes : Si Zelten se maintient Munich, annu- lons contrat Volga et provoquons hausse mark. Par contre, je n'ai intercepté aucun télégramme disant : Si Zelten est roi, musiciens allemands refusent composer et jouer. — Si Zelten est président, philosophes allemands inca- pables penser et décorateurs feront grève, — Si Zelten est Premier Consul, jeunes filles allemandes renieront jeunesse allemande, printemps allemand refusera produire myrtilles et narcisses. Mais je n'insiste pas. Que le pétrole et la Volga pénètrent donc à flots par les puits de Persée et la fontaine Vittelsbach. J'ai traversé le pouvoir absolu comme aux enfers on traverse une ombre. Je ne l'ai exercé en somme que sur moi-même. Pendant quatre jours je me suis dévoué comme un esclave à ces deux petites qualités que je me connaissais, le désintéressement, la franchise, et qui étaient devenues soudain une franchise et un désintéressement royaux... Je pars, sans avoir dormi ici, sans savoir ce qu'est le sommeil royal. Mais je veux vous conseiller, Messieurs, pour les autres exécutions, quand vous choisirez un mandataire à l'Allemagne, de le
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