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634 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

que, bien au fond du cœur, le disciple gardait le regret de cer- taines tendresses d'élégie et même de préciosités sentimentales qui se traduisent en images littéraires. Il en résulte un déséqui- libre momentané. Quand M. Henri Dalby sera maître de son chant, il n'aura plus à se défier de son inspiration. Mais avant qu'il s'abandonne davantage, on peut souhaiter que davantage il se contraigne. Il est digne de recevoir un tel avis.

PAUL FIERENS

LE ROMAN

LA GARÇONNE, roman, par Victor Margueritte (Flam- marion).

Le plan de ce livre est naïf. Vous rappelez-vous les ficelles ingénues de Fénelon promenant son charmant mannequin Télémaque à travers le monde ancien ? Vous souvenez-vous des deux petits Lorrains du Tour de France errant de ville en ville à la recherche d'un oncle introuvable et s'instruisant au passage des moeurs, des industries et des grands hommes ? M. Victor Margueritte conduit une irréelle jeune fille à travers les plaisirs défendus. Joies très simples ou très compliquées, inversions, chatouillement, opium, l'auteur s'applique et n'oublie rien. Il aurait dû intituler son livre : Petit abrégé des distractions contemporaines.

Cette matière a révolté beaucoup de gens. Pourquoi ? Les plaisirs de la chair, c'est un très grand sujet. Imaginez un poète ardent, robuste, s'enivrant du contact des corps, quel hymne de soleil pouvait naître ! Ou bien pensez à un être concentré, las du plaisir banal, cherchant la lueur inconnue, aiguisant son esprit et ses sens, fouillant le noir jusqu'au frisson étrange. Pensez à Baudelaire !

M. Victor Margueritte n'a ni la flamme claire, ni le sombre feu. C'est un collectionneur tout sec d'égarements ; il les décrit avec patience, il énumère les petits tours de gymnastique sexuelle. Son livre est un recueil, une « règle des jeux ».

A qui ce manuel peut-il servir ? A des vieillards dont le sang s'engourdit, à de très jeunes gens, que sans doute il rendrait chastes ?

Ces ternes priapées s'entremêlent de quelques trémolos : échos de la guerre, tirades généreuses sur les misères des

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