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notes 757

qu'organisa le spirituel directeur de la Galerie Simon avait le rare privilège d'être captivante et de faire réfléchir sur les pro- blèmes compliqués de la création artistique. Elle était consti- tuée exclusivement par ces toiles et ces bois sculptés que des poètes et des peintres, séduits par leur vertu émotive, achètent pour quelques sous au bric-à-brac. Au sortir du Salon d'Au- tomne où. peu à peu, une espèce de sommeil moral s'abat sur vous, provenant de l'impression de déjà vu qui émane de presque toutes les toiles — même des bonnes — cette exposi- tion offrait une véritable oasis de fraîcheur et de douceur. Natures mortes groupant des bibelots lourds de souvenirs ; paysages pauvres ou redoutablement pittoresques ; scènes de famille attendrissantes; batailles, chasses, scènes historiques reconstituées grâce au supplément du Petit Parisien ; scènes de cirque ; portraits comme figés par l'effet de l'application réci- proque du modèle et du peintre, tremblants tous deux de se sentir les artisans d'une opération magique ; inévitables anec- dotes plaisantes ou sentimentales ; toute la gamme des états d'âme que la peinture peut extérioriser étaient représentés en cette exposition inattendue.

L'auteur de ces peintures est ce curieux personnage anonyme, qui, je crois, ne naît qu'en France ; qui tient le milieu entre le poète et le pêcheur à la ligne ; qui peint les soirs d'été en ren- trant du bureau, et le dimanche toute la journée. L'amour, la patience et la propreté sont ses vertus coutumières ; l'estime de sa famille et la considération de ses pairs sont la récompense qui lui est accordée et qu'il peut savourer tranquillement, der- rière le rempart d'un emploi honorable, d'une rente régulière, ou d'une pension méritée. — Tant d'humilité, si naïvement consentie, ne peut qu'arracher un sourire de pitié aux terribles hommes que sont les artistes modernes — et cependant on pouvait voir beaucoup d'entre eux s'attendrir, céder à un mou- vement de curiosité presque inquiète devant les œuvres de leurs parents pauvres.

Pour moi, j'ai souvent été torturé par le mystère de certaines réalisations picturales, dues à ces anges en jaquette qui, non gênés par des considérations techniques, se meuvent de plain- pied dans le domaine du sublime quotidien. Quelques-unes des peintures exposées à la Galerie Simon, c'est incontestable,

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