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NOTES 8 I

leurs exploits. Leur prestige devait ressembler à celui que, pen- dant la dernière guerre, les commandants de croiseurs allemands trouvaient en rentrant chez eux. Au reste, l'effort de Louis XIV contre les flottes de l'Angleterre, de la Hollande et du Portugal, ressemblait assez à celui que tentait l'Allemagne au moyen de la guerre sous-marine. Incapable de lutter régulièrement con- tre de si redoutables puissances navales, il lui fallait se contenter de paralyser leur commerce en coulant ou capturant le plus pos- sible de leurs vaisseaux. Les bâtiments marchands ne sortaient plus que convoyés par des navires de guerre. C'est contre ceux-ci que portait l'attaque. On les approchait sous pavillon ennemi, et c'est seulement au moment de lâcher à bout portant la première salve d'artillerie que l'on hissait les couleurs du roi. Les com- bats semblent avoir été très meurtriers ; bien des fois Du Gay- Trouin dit avoir perdu dans une affaire la moitié de son effectif. Dans son combat contre le Devonshire, il a trois cents hommes sur le carreau au moment où le navire ennemi prend feu et périt en un quart d'heure avec tout son équipage : « Chose hideuse à voir, écrit Du Gay-Trouin, et dont la seule idée fait frémir ! Trois de ses matelots seulement se trouvèrent dans mon vaisseau après le combat, sans que j'aie pu savoir comment ils y étaient entrés. Ils me rapportèrent que, dans le vaisseau le Devonshire, il avait péri près de neuf cents hommes, y ayant, outre son équipage, deux cent cinquante soldats ou passagers de considération, de l'un et l'autre sexe. » Le ton même du vain- queur devant la disparition de ce navire de 90 canons montre un état d'esprit singulièrement différent de celui qu'affectaient les torpilleurs de la Lusiiania. Grand soin semble avoir été apporté à recueillir les équipages et à respecter certaines règles de la guerre. Assurément les prétextes qu'allègue Du Gay-Trouin pour attaquer Rio-Janeiro manquent de bonne foi et la menace défaire sauter la ville si la rançon n'est pas immédiatement payée sent assez son pirate. Mais du fait même que cette guerre de course était entreprise par des particuliers, non dans le simple dessein de détruire, mais pour ramener des prises, il est évident qu'elle était beaucoup moins inhumaine et moins absurde que ce que nous avons vu naguère.

Il y a une sorte de candeur dans la manière dont cet homme qui aimait tant les femmes et les coups parle de lui-même :

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