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la nouvelle revue française


Par réaction contre des œuvres de pure virtuosité, la tendance serait aujourd'hui de voir, dans une certaine maladresse technique, la marque de la force et d'une inspiration impérieuse. On veut ne rien attendre que du don et, pour un peu, l'on déclarerait l'ébauche supérieure à l'œuvre, parce qu'aucun élément réfléchi n'y semble venir troubler le langage ingénu d'un tempérament. Comme si justement la maîtrise ne se mesurait pas à ce qu'une œuvre peut, sans dessèchement ni surcharge, impliquer d'invisible habileté.

L'effort ne remplace pas le don, mais il l'exploite. Il n'éteint pas la spontanéité, mais la relègue, si l'on peut dire, à la surface de l'œuvre.


Que la contrainte conduise à l'extrême limpidité, ou à la condensation la plus forte, ou simplement à la parfaite mesure, elle enlève toujours à une œuvre ses moyens de séduction les plus populaires. L'absence de bavures, de redites et d'agréments superflus déconcertera toujours des esprits plus avides de flatterie que de vérité, de distraction que d'aventure, de confort que de volupté. Les indiscrétions intéressent le public plus que les confidences et il est plus sensible au déshabillé qu'au nu. Dès lors la maîtrise d'un art qui ne dit que ce qu'il veut le dépayse ; la décente impudeur du style, ne le troublant plus, le révolte. Et si, parmi les œuvres courantes, il supporte une