Page:NRF 1909 1.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
la nouvelle revue française

les hommes, comme les jours, n'étaient pas ce qu'il avait décidé. Vous pensez bien qu'il n'eut pas plus de contentement avec ses amies, et qu'il eut même des déconvenues plus grandes encore.

Et l'argent eut une fin ! Dégoûté de la ville, des hommes et des femmes, n'ayant plus le courage de construire des projets, l'Enfant n'avait plus qu'à retourner au village. Ce fut sans enthousiasme, car il ne voyait pas ce qu'il y allait faire.


Or, dans un village proche du sien, il rencontra un camarade d'enfance, un ancien petit pauvre. C'était un gaillard solide. Il ne reconnut pas tout d'abord l'Enfant qui avait la barbe longue, la figure fatiguée, les cheveux en désordre, ainsi qu'il convenait à son personnage. Ils refirent connaissance. L'homme était berger de porcs, mais il voulait abandonner son métier. Gardien de porcs ! C'était l'affaire de l'Enfant. Ne serait-ce pas d'une ironie complète et définitive ? Accepter cette tâche, grossière parmi les plus grossières, après avoir rêvé tant de beaux rêves ! Le berger lui céda pour rien son matériel, à savoir : un vieux chapeau, un manteau, une trompette.

Voilà l'Enfant berger. Le matin, au jour, il traverse le village en sonnant sur sa trompette trois notes aigres. Les porcs, sortant des étables, le suivent dans les champs et à la glandée. La journée se passe en souvenir, en ennui, et le soir il ramène, repue, sa bestiale compagnie.

Que dira le village en voyant ce jeune homme conduire les bêtes, son manteau sur l'épaule, tenant haut son visage