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l'image de la grèce
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peut rapporter à la fois les Achéens et les Hébreux. Surtout, comparer l'existence grecque à celle de l'Islam, c'est en supprimer simplement le mouvement d'ensemble, l'élan vital, l'activité qui toujours se dépasse, l'aspiration à la clarté. Pour mieux voir les Grecs tels qu'ils furent en vertu de leur passé, on risque de ne les plus voir tels qu'ils se sont vus, tels qu'ils voulaient être, tels qu'ils ont su devenir à mesure qu'ils se sont mieux connus. Devant la plaine de Thèbes, Louis Bertrand s'écrie : “Dirons nous que Pindare a menti ?... non, une terre est ce que la font les hommes qui la regardent avec des yeux amoureux et candides.” Que n'applique-t-il cette réflexion aux hommes mêmes ? Que n'est-il plus docile à cet idéalisme qu'il nomme le mensonge grec ? mensonge, si l'on veut, pareil à celui “des Grecs, des Italiens, des Espagnols et des Provençaux d'ajourd'hui,” mais différent en ceci qu'il passe dans l'action, qu'il aboutit à des œuvres, qu'il devient tragédie, sculpture, et science, et philosophie...

Pour avoir imité malgré lui ce qu'il blâme, pour avoir essayé “de voir plus loin que ses yeux,” Louis Bertrand nous trace, ou plutôt nous prépare, une image de la Grèce où ne transparaîtrait plus l'esprit grec. À cette vision concrète il ne suffit point, je l'avoue, d'opposer la raison abstraite de Platon, ni même le ferme entendement de Xénophon ou de Thucydide. On ne saurait trop nous rappeler