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la porte étroite
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l'allée aux fleurs simplement par la haie de lauriers qui empêchait les regards, point les voix, j'entendis Alissa et mon oncle. Sans doute ils venaient de parler de Robert ; mon nom fut alors prononcé par Alissa, et, comme je commençais à distinguer leurs paroles, mon oncle s'écria :

— Oh ! lui, il aimera toujours le travail.

Ecouteur malgré moi, je voulus m'en aller, tout au moins faire quelque mouvement qui leur signalât ma présence ; mais quoi ? tousser ? crier : je suis là ! je vous entends !... et ce fut bien plutôt la gêne et la timidité, que la curiosité d'en entendre davantage qui me tinrent coi. Du reste ils ne faisaient que passer et même je n'entendais que très imparfaitement leurs propos... Mais ils avançaient lentement ; sans doute, comme elle avait accoutumé, Alissa, un léger panier au bras, enlevait les fleurs fanées et ramassait au pied des espaliers les fruits encore verts que les fréquents brouillards de mer faisaient choir. J'entendis sa claire voix :

— Papa, est-ce que mon oncle Palissier était un homme remarquable ?

La voix de mon oncle était sourde et voilée ; je ne distinguai pas sa réponse. Alissa insista :

— Très remarquable, dis ?

De nouveau trop confuse réponse. Puis Alissa de nouveau :

— Jérôme est intelligent, n'est-ce pas ?

Comment n'eussé-je pas tendu l'oreille... mais non, je ne pus rien distinguer. Elle reprit :

— Est-ce que tu crois qu'il deviendra quelqu'un de remarquable ?

Ici la voix de l'oncle se haussa :

— Mais mon enfant je voudrais d'abord savoir ce que