retenir. Les seuls événements étaient des conversations, des lectures...
— J'ai fait un triste rêve, me dit Alissa au matin d'un de mes derniers jours de vacances. Je vivais et tu étais mort. Non ; je ne te voyais pas mourir. Simplement il y avait ceci : tu étais mort. C'était affreux ; c'était tellement impossible que j'obtenais que simplement tu sois absent. Nous étions séparés et je sentais qu'il y avait moyen de te rejoindre ; je cherchais comment, et pour y arriver j'ai fait un tel effort que cela m'a réveillée.
Ce matin, je crois que je restais sous l'impression de ce rêve ; c'était comme si je le continuais. Il me semblait encore que j'étais séparée de toi, que j'allais rester séparée de toi longtemps, longtemps — et très bas elle ajouta : toute ma vie — et que toute la vie il faudrait faire un grand effort...
— Pourquoi ?
— Chacun, un grand effort pour nous rejoindre.
Je ne prenais pas au sérieux ou craignais de prendre au sérieux ses paroles. Comme pour y protester, mon cœur battant beaucoup, dans un soudain courage je lui dis :
— Eh bien moi, ce matin, j'ai rêvé que j'allais t'épouser si fort que rien, rien ne pourrait nous séparer — que la mort.
— Tu crois que la mort peut séparer ? reprit-elle.
— Je veux dire...
— Je pense qu'elle peut rapprocher au contraire... oui, rapprocher ce qui a été séparé pendant la vie.
Tout cela entrait en nous si avant, que j'entends encore jusqu'à l'intonation de nos paroles. Pourtant je ne compris toute leur gravité que plus tard.