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LES " CAHIERS " DE CHARLES PEGUY 267

de tracer la limite entre leur foi soustraite aux preuves, et la science prouvée. Un des effets d'une rupture par ailleurs déplorable fut de tourner l'attention de Péguy vers la situation faite aux sciences morales par notre pays et par notre temps: ainsi conduit, comme avait été Nietzsche, à des considérations intempestives^ il en formule qui s'ap- pliquent moins à la masse des petits érudits, qu'à certaines de nos intelligences les plus hautes, les plus vigoureuses, les plus désintéressées : vainement ces hommes ont renoncé à toute ambi- tion temporelle ; leurs chaires, leurs titres, leurs talents, les appellent à dominer les esprits ; c'est une gloire capable de les griser ; et, comme les partis au pouvoir favorisent la science pour des raisons qui ne sont pas toutes pures, la Politique risque parfois de contaminer la Pensée. Puis vient l'illusion dangereuse de l'explication intégrale : le savant croit épuiser son sujet, — fût-ce le sujet inépuisable qu'est tout événement humain ; ou plutôt, ayant par méthode éliminé d'abord les éléments confus, incertains, insaisissables, pour aller droit au déterminable, au clair, au certain, il omet, au terme de sa recherche, de réintégrer dans ses conclusions ces mêmes éléments rebelles. Et c'est ainsi que le dogmatisme prématuré de l'historien, du psychologue, du sociologue, usurpe les titres d'une philosophie. Enfin, la science morale officielle ne travaille-t-elle pas, à son insu.

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