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UNE BELLE VUE 3O5

sans appréhension le moment où, ces effusions épuisées, il faudrait bien en venir à ce qui faisait l'objet redouté de notre visite. Mon père du reste, ne faisait rien pour hâter ce débat, soit qu'en homme assuré que la bonne foi suffit à tout arranger il jugeât qu'il avait bien le temps, soit que lui même il ressentît quelque timidité au moment de prendre la parole. Enfin il parut se décider et se tournant vers M. Davèzieux : — Ces deux enfants, fit-il en nous désignant Prosper et moi, grillent d'envie de nous fausser compagnie. Ne croyez-vous pas qu'on pourrait les autoriser à s'éloigner un instant?.. On juge si je fus aise de profiter d'une invitation que notre hôte s'empressa de confirmer d'un signe de tête bienveillant ! A peine fûmes-nous hors de la vue de nos parents, Prosper, comme pour se venger de sa longue attente, me saisit par le bras et m'entraîna d'un galop sauvage jusqu'au bout de la terrasse bordée de tilleuls, et d'où l'on dominait, par dessus Longval, tout le pays à dix lieues à la ronde.

Le regard embrassait dans toute son étendue le versant du coteau, chargé d'arbres et de villas, qui épousait la molle courbe de la Sienne et s'abaissait brusquement à la hauteur de Charlemont. Là-bas, à droite, sous une cou- pole de fumée, s'étendait la ville avec ses cheminées d'usines, ses clochers, les tours de Saint-Damien, le pont suspendu, les gazomètres, les longues toitures parallèles des ateliers de construction. Devant soi, on avait la plaine onduleuse et remontante, les prairies bordées de peupliers, les rectangles variés des cultures, les hameaux épars, et loin, très loin, de vagues formes de mon- tagnes. Sur cette immensité planait un silence insolite. Tout semblait écrasé par la pesanteur de l'air. Pas une

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