Page:NRF 1909 10.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

324 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ployer que la couleur pure. Voici dépassé le métier. Dans la carrière de M. Manguin ce sera là, je crois, une des étapes décisives, comme fut cette "femme à la grappe" qui voici deux ans nous ravit.

M. Laprade revient de Rome avec un lot d'études déli- cieuses. Il est décidément impossible de le chicaner sur un métier laborieusement spontané et volontairement sale et gauche, sur les plus illogiques empâtements de terres, quand il atteint à un résultat si séduisant, avec cela. Il semble cepen- dant que sa palette s'organise, que les "sombres" s'étoffent, que les blancs deviennent moins blafards, les gris restant d'une subtilité extrême. Nous ne voyons pas bien comment peut progresser désormais ce curieux art. Mais pourquoi progresserait-il ? C'est l'art au jour le jour d'un rêveur, d'un lyrique, avec ses hauts, ses bas, et ses redites et ses surprises.

M. Marquet ©st aussi réfléchi, décidé qu'est flottant, " dis- ponible" M. Laprade. Je crains cependant pour lui qu'arrivé à une quintessence de simpUfication, il ne se trouve tout d'un coup condamné à reproduire les mêmes effets sans cesse. J'espère (un de ses paysages nous l'indique) un prochain retour en arrière, vers une complexité plus grande, où son admirable nature de peintre, au lieu de trop tôt aboutir continuera à se développer.

On a fondé beaucoup d'espoirs — et je pense, à juste titre — sur le jeune M. Boutet de Monvel. Ses facultés d'assimilation prodigieuses se glaceront-elles dans un procédé savant qu'il ne lui restera plus qu'à exploiter ? Je ne puis le croire. Deux pa)'sages — deux églises — qu'il nous montre aujourd'hui d'une grande sobriété d'exécution, sont d'une quaUté juste et émue. Que ne veut-il quitter cette sécheresse " décorative " (?) qui nous gâte le défilé amusant de pensionnaires présenté dans son grand panneau.

C'est une mode. On appelle cela la "synthèse". Cela mène à " l'art à l'école " tout simplement. Ne saurait-on enfin rendre à chaque chose sa \Taie place, et différencier un tableau de chevalet d'une fresque, d'une affiche, d'un papier peint, autre- ment que par les dimensions et par le cadre.

�� �