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Page:NRF 1909 11.djvu/39

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UNE BELLE VUE 375

dont les grandes personnes parlent avec des sous-entendus. En attendant, la famille Tourneur exerçait sur moi la fascination d'un problème indéchiffrable. J'éprouvais un besoin irrésistible de contempler ces personnages singu- liers, comme si mes yeux eussent pu acquérir à la longue la pénétration nécessaire pour découvrir leur secret. Et puis une vague sympathie me portait vers eux. Sympathie coupable, je le sentais bien, puisqu'elle s'adressait à des réprouvés. Il fallait que M. Tourneur eût commis quelque grand crime pour être rejeté, je ne dis point par la société, mais par mon père, le meilleur des hommes. Et cependant, il m'était impossible de croire à sa culpabilité ; il n'avait pas figure de criminel, mais de quelqu'un de doux et de gêné. Mme Tourneur, pour sa part, semblait une bonne personne, encore qu'elle eût une expression autrement ferme et une contenance autrement décidée que son mari. Quant à la fillette, en tout état de cause, elle était inno- cente aussi bien que charmante ; je la plaignais de tout mon cœur.

IX

Sur la fin du mois, nous revenions de la messe avec les Davèzieux. Prosper et moi marchions en avant-garde, quand, à mi-chemin, la voix de M. Davèzieux s'éleva, forte et tranchante :

— Encore une fois, qu'il n'en soit plus question... ce serait me désobliger. . .

Patatras ! Le ciel croulait ! Un frisson glacé me passa le long du dos.

Mon père balbutia je ne sais quoi que je ne distinguai point. Mais on lui coupa la parole :

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