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45° LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

amasser de salive pour bien laver d'un infâme contact sa langue et son palais. Sa mère n'avait plus qu'à se résigner et dire :

— C'est un grand malheur, mon petit, de ne pas aimer le fromage.

On ne peut pas absolument dire qu'il mangeait son pain sec. Il avait réalisé une sorte d'invention. Il mettait à part de sa tranche de pain un tout petit morceau. Il se disait: Voilà, ce sera ma pitance, ce sera ce que je mangerai avec mon pain. Il donnait à pleines dents dans la tranche et prenait de sa pitance une miette qu'il ajoutait à sa bouchée de pain. Tantôt il s'imaginait que c'était du sau- cisson, tantôt une moitié de poire, tantôt de la confiture. Certains jours même il se disait :

— Aujourd'hui c'est du beurre. Il est bien frais. Charles Blanchard éprouvait toujours un grand

soulagement quand il avait terminé son repas. Il disait :

— Ça y est, maman, je n'ai plus faim.

Il ne savait pas très bien ce qui ensuite allait se passer. Il se levait, pour être prêt à partir. Il comprenait maintenant pourquoi personne n'était venu le matin : on avait attendu qu'il eût mangé, alors il restait debout. Sa mère finissait par lui en faire la remarque :

— Tu ne t'asseois donc pas, mon Charles. Tu restes là tout campé.

Il pouvait bien s'asseoir, en effet. Pendant long-

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