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UNE BELLE VUE 497

précédaient, nous en étions quittes pour ralentir le pas ; mais ce n'était pas drôle de les sentir dans notre dos, riant trop fort ou chuchotant. Et, à la sortie de l'église, quelle stratégie pour les éviter, eux n'y mettant aucunement du leur et semblant au contraire occuper à eux seuls toute la place du village ! Tandis qu'ils se prodiguaient de groupe en groupe, nous brusquions les politesses avec les personnes de notre connaissance et nous filions piteuse- ment, comme des gens pénétrés de leurs torts, laissant nos ennemis maîtres du pavé, où ils semaient des médisances tout à leur aise.

Il avait d'ailleurs été sensible dès le premier dimanche des vacances, que les Davèzieux avaient au cours des derniers mois travaillé l'opinion pour la retourner contre nous. Ils avaient la langue bien pendue et cette autorité sur le monde que donnent la méchanceté et l'aplomb. Une vague réprobation nous entourait, réprobation qui s'accentua à la suite de la matinée Chaberton.

M. de Chaberton avait été, paraît-il, outré du refus de mes parents. Non seulement il ne donna plus signe de vie, mais il s'étudia à nous esquiver. Madame de Chaberton ayant changé comme par un fait exprès son " jour ", et pris le nôtre, nous n'eûmes même pas à débattre l'opportunité de lui rendre visite. Les relations, déjà suspendues sans raison avouée, semblaient définitive- ment abandonnées.

Tout cela eût été fort étrange, s'il se fût agi d'un autre homme que M. de Chaberton. Mais ce dernier était plus fécond en surprises que doué vraiment de malice. Avec pareille girouette, on pouvait s'attendre à toutes les variations. Complètement détaché de mon père depuis

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