Page:NRF 1909 4.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

336

��SUITE AU RECIT DU

CHEVALIER DES GRIEUX.

��La mort de mon père et de mon frère, la dispersion de mon héritage dont j'avais engagé une partie dans le Système, les voyages et les aventures, enfin mon indiflfé- rence à écouter les sages conseils de Tiberge m'avaient replongé à nouveau dans le malheur. Le souvenir de Manon me suivait toujours et, quoi que je fisse pour le rejeter dans le passé et l'éloigner de moi, il m'accom- pagnait dans toutes les actions où je cherchais l'oubli de ma jeunesse. Les maux sans nombre qui m'avaient accablé depuis mon retour dans la Picardie n'avaient pu arracher de mon cœur une image que les années n'avaient point pâlie et des traits que je continuais secrètement d'adorer.

Quoi que j'entreprisse pour relever mes affaires, quel- que résolution que j'adoptasse au sujet de ma conduite, Manon était toujours de moitié dans mes projets ; mes actes les plus secrets étaient guidés par elle, et il n'y avait rien qui ne survînt dans mon existence à quoi elle n'eût part autant que dans le passé. Le temps, qui met un terme aux revers les plus grands, n'avait eu aucune action sur les miens ; loin d'en diminuer l'amertume, il l'étendait au contraire en la prolongeant. Les nouveaux événements de ma vie, sans atténuer la mémoire de ceux d'autrefois,

�� �