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520 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

les coquins s'arrêteront. Vous pensez bien, au demeurant, que ce n'est point sans dépit que je me prive du plaisir d'employer avec vous les derniers moments que vous serez mon hôte... Et s'étant mis debout: Mon cher cousin, ajouta-t-il d'un ton pénétré, il m'est revenu que je passe dans notre famille pour un maniaque et un bourru. C'est une réputation, il est vrai, que je n'ai que trop justifiée par mes façons. Faites-moi la grâce toutefois d'être assuré que chez moi l'écorce seule est rugueuse. J'ai pour vous une très tendre affection : vous n'en doutez pas, je l'espère ,• excusez-moi si malgré tous mes soins, mon diable de caractère n'a pas permis durant votre séjour de la témoigner comme j'aurais voulu. — Je tentai de pro- tester, mais Ascanio m'arrêta court et se penchant sur moi, m'embrassa fort affectueusement, à plusieurs reprises. Je n'avais point accoutumé à trouver tant de sensibilité et de démonstration chez mon cousin ; j'avoue qu'après qu'il m'eût laissé, j'en demeurai quelque temps décon- tenancé : par-dessus tout, je n'étais pas sans me sentir gêné de la confiance qu'il me montrait tout à coup en me livrant en quelque sorte les clefs de la forteresse : pour la seconde fois il m'apparut que ma conduite n'allait pas sans vilenie à l'égard d'un vieillard despote et cruçl, sans doute, mais sincèrement épris et que j'allais plonger dans le plus affreux désespoir. La pensée des souffrances qu'avait endurées sa victime eut tôt fait d'ailleurs d'avoir raison des ces scrupules : entre Délia et le caprice d'un barbon égoïste, pouvais-je hésiter ? Tant pis, m'écriai-je enfin, et m'étant levé d'un bond, je chargeai Bridon de descendre aux jardins et de vérifier ce qu'il était advenu de notre barque. Entre temps pour tromper mon im-

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