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TEXTES.


"… Voi dite benissimo ch'egli è assurdo l'attribuire ai miei scritti una tendenza religiosa. Quels que soient mes malheurs, qu'on a jugé à propos d'étaler et que peut-être on a un peu exagérés dans ce journal, j'ai eu assez de courage pour ne pas chercher à en diminuer le poids ni par de frivoles espérances d'une prétendue félicité future et inconnue, ni par une lâche résignation. Mes sentiments envers la destinée ont été et sont toujours ceux que j'ai exprimés dans Bruto minore. Ç'a été par suite de ce même courage, qu'étant amené par mes recherches à une philosophie désespérante, je n'ai pas hésité a l'embrasser toute entière ; tandis que de l'autre côté ce n'a été que par effet de la lâcheté des hommes, qui ont besoin d'être persuadés du mérite de l'existence, que l'on a voulu considérer mes opinions philosophiques comme le résultat de mes souffrances particulières, et que l'on s'obstine à attribuer à mes circonstances matérielles ce qu'on ne doit qu'à mon entendement. Avant de mourir, je vais protester contre cette invention de la faiblesse et de la vulgarité, et prier mes lecteurs de s'attacher à détruire mes observations et mes raisonnements plutôt que d'accuser mes maladies."

Leopardi.


Nous laissons en italien les deux premières lignes de ce fragment de lettre (N° 748 de l'Epistolario, cité déjà par Sainte-Beuve, T. III des Portraits Contemporains) — le reste de la lettre est en français comme la plupart des lettres de Leopardi à M. de Sinner, son correspondant parisien. En 1832 Leopardi avait 34 ans. — Il mourut le 14 juin 1837.