53^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
choquèrent au même moment. Il faut y revenir. Aujourd'hui c'est pour nous un charme. Quelle franchise ! Quelle candeur ! Quelle absence de tous procédés littéraires ! De ce que préci- sément notre poète ne s'est jamais préparé au rôle d'intimiste et de poète personnel, son langage prend dans les plus tendres notations un accent entrecoupé et brutalement sincère, tel que nous n'avons jamais rien entendu de pareil, sauf peut-être de Verlaine, dans Sagesse ou dans Amour...
Pour nous aimer des yeux Lavons nos deux regards de ceux Que nous avons croisés far milliers dans la vie
Mauvaise et asservie
ou bien
Dis-moi, ma simple et ma tranquille amie, Dis, combien l'absence d'un jour
Attriste et attise l'amour Et le réveille en ses brûlures endormies.
D'ailleurs cette même flamme qui jaillissait des grandes épopées lyriques du poète, de ses Campagnes hallucinées, de ses Villes tentaculaires, elle couve ici et chauffe le foyer conjugal d'une ardeur vraiment magnifique :
En ces heures où nous sommes perdus
Si loin de tout ce qui n'est pas nous-mêmes
Quel sang lustral ou quel baptême
Baigne nos cœurs vers tout l'amour tendus f
Joignant les mains, sans que l'on prie Tendant les bras, sans que l'on crie Mais adorant on ne sait quoi De plus lointain et de plus pur que soi L'esprit fervent et ingénu Dites comme on se fond, comme on se vit dans l'inconnu Comme on s'abîme en la présence De ces heures de suprême existence Comme l'âme voudrait des deux
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