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NOTES 547

souci d'art ! Quel chemin nous avons parcouru pour que cette mise en scène, ce décor d'un Louis XIV à peine retouché par Beardsley, nous cause, servi par la Russie, une telle surprise ! Oui, ces jets d'eau sveltes et d'un gris si délicat entre les verts acides des ifs taillés et les violets vineux du tendelet d'Armide furent d'une fraîcheur exquise; j'estime pourtant qu'un pareil spectacle était loin d'atteindre la précise beauté à laquelle il pouvait prétendre ; je ne puis comparer ce spectacle aux représentations de l'Opéra qui m'assassinent d'ennui et aux- quelles je n'assiste presque jamais ; je veux bien croire puis- que nous le dit Jacques Blanche, qu'il les laisse loin en arrière; — mais combien notre plaisir ne fut-il pas plus vif encore, plus parfait lorsque la Schola Cantorum, il y a quelques années, nous offrit dans le cadre étroit de sa cour cette Guirlande de Rameau que dansèrent si précieusement les sœurs Mante. Il est vrai que la musique de Tcherepnine, sur laquelle se danse et se mime le Pavillon d'Armide, reste d'une uniforme médio- crité. Mais quel ravissement sans mélange nous réservait le Prince Igor! Je ne sais si, depuis les chœurs du théâtre égyp- tien de l'Exposition nous avions goûté plus étrange émotion musicale ; celle du premier chœur de Borodine la rappelait et l'égalait ; un chœur que toute la désolation du désert et de la steppe habite, et, semble-t-il, devait habiter de tout temps. Enthousiasmantes encore dans le Prince Igor les danses nationales sur des airs populaires, et particulièrement le pas des archers... Mais qui dira jamais suffisamment ce que la musique russe doit à son folklore et au voisinage de “la langoureuse Asie.…” !

Nous aurions souhaité revoir dans la Pskovitaine les six sveltes gaillards qui bondissent le pas des archers ; mais le seul grand Chaliapine suffit à rassembler l'émotion d'une pièce assez médiocre. Sans doute le soutenait, l'inspirait, dans Boris Godounov, à l'égal de la partition, le pathétique poème drama- tique de Pouchkine ; la partition de la Pskovitaine reste sensi- blement moins belle, et ne laisse reconnaître que par endroits le prodigieux symphoniste d'Antar et de Schéhérazade.

A. G.

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