Page:NRF 1909 8.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE LYRISME DE GŒTHE 97

sera donc l'unité d'un sentiment ; et la composition n'en sera pas obtenue par le développement d'un fait ou d'une idée. Mais d'autre part, le sentirhent soutient chaque fois un rapport très précis avec le temps, le lieu, l'événement ; il ne se réduit point à cet " état d'âme " indéfinissable, à cette sorte d'atmosphère ou de tonalité affective que les Allemands nomment Stimmung. Plus tard certains romantiques — Hôlderlin, Novalis, Eichendorf, — épurant et subtilisant le sens des mots pour les combiner ainsi que des notes et des timbres, réus- siront à suggérer des émotions sans objet, sans histoire, — fragments détachés d'un long devenir, flots qu'un rayon frappe sur un fleuve obscur, affleurements d'une eau cachée qui circule au loin dans la profondeur. Cette " mélodie infinie " du sen- timent ne pouvait, selon Dilthey, être conçue avant l'époque de Beethoven, tandis que les lieder de Gœthe convenaient aux contemporains de Mozart. 2° Naissant d'une occasion concrète et déter- minée, le sentiment n'a pas besoin, pour prendre corps, d'attirer à soi les images par de lointaines associations. Spontanément, il apporte au poète, en même temps qu'une forme rythmique, tout un contenu nécessaire de visions et de souvenirs. Gœthe aperçoit bien sans effort les plus fines analogies ; à ses amis de Wetzlar, il se plaint de ne savoir parler que par figures. Pourtant il ne tisse point son style poétique de comparaisons ni

�� �