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LE LYRISME DE GŒTHE IO3

pour la prose, à force de mots sonores, d'épisodes, et de comparaisons. La chaleur même et le mouve- ment des pensées font ici toute sa poésie. Nulle peur et nul dédain de Faction, nulle défiance à l'égard de l'instinct et des sens, ne l'engage à placer trop haut l'éminente dignité de la théorie. Il entre comme de plain-pied dans la région supérieure où les autres ne gravissent qu'en tra- hissant l'orgueil de leur effort. Comme la joie, comme la tristesse ou l'amour, chaque idée en lui fut d'abord un événement intime et personnel, une pulsation de sa propre vie ; c'est à ce titre qu'il chante les idées, comme la joie, la tristesse ou l'amour. Mais tandis que les passions se succèdent et s'effacent, les mêmes idées, toujours plus lumi- neuses, reparaissent au ciel de l'âme en fixes constellations. Le poète les prend pour guides, pour amies ; il connaît leurs noms et leurs routes ; et plus sa méditation le détachera de la terre, plus il aimera se mouvoir, avec une majesté tranquille, dans leur domaine auguste et familier...

Mais ne devançons point les temps. Goethe, au début de sa maturité, s'il s'instruit au renonce- ment par la contemplation des lois, ne sait pour- tant adorer celle-ci que sous une forme visible. Il achève en Italie l'éducation de ses yeux, peuple sa maison, au retour, de sculptures et de tableaux, et voudrait " comme la nature, ne parler que par le dessin ". La poésie lui semble s'arrêter à mi-

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