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CAUET 139

de monnaies, une pièce résonna, d'un métal singulier, ni d'or, ni d'argent, ni de bronze, ni de cuivre, mais avec un tintement limpide, à coup sûr, une pièce sans paillette. Gerfaut la ramassa. Elle n'était frappée à aucune effigie ; il ne se trouva personne pour la lui disputer. Il l'accapara comme son bien, un bien qui n'avait de valeur que pour lui seul. Cauët avait été l'esclave de tous les forts dans la verrerie, il n'eut qu'un maître dans la caserne ; le maître absolu et de tous les instants, le tyran de l'esprit et le tyran du corps, le guichetier de midi et le geôlier du soir, l'instructeur dans les exercices, le répétiteur particu- lier, le premier soldat, à qui les gradés cèdent un peu de leur immense pouvoir, et dont ils exigent en retour de la responsabilité.

II

Ce matin, le vingt-cinquième jour du mois de novem- bre, tout le brouillard était en bloc dans le ciel. La caserne présentait sa façade du sud au jour verdâtre. Ses larges fenêtres étaient ouvertes. Aucune voix, aucun bruit n'en sortait. La vie avec le brouillard semblait avoir abandonné la caserne. Mais debout près d'elle, contre le mur du Nord, Gerfaut restait comme une présence nécessaire. Et Cauët était à son côté. La maigreur géante de l'ancien, dans la culotte de toile et le bourgeron, allongeait une tache crue sur la saleté du mur. L'autre se rapetissait dans ses hardes, la face enfoncée dans un képi crasseux, le corps flottant sous le harnais, grêle, ratatiné, rentré, ravalé. Entre ce mur et l'horizon à pic, un plateau s'étendait comme un cataplasme. La boîte à jouets, la caserne, s'y était éparpillée, en petites lignes, en petits quadrilatères de

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