matin de la douzième année, elle se fût écrié volontiers :
— Une grande joie, ce matin, s'est levée sur le monde.
Comme l'enfant se dirigeait vers sa chaise et qu'il allait s'asseoir ainsi que d'ordinaire, elle s'avança bien vite pour l'en empêcher. Quelque chose était changé sur la Terre, il allait ne pas s'en apercevoir. Elle lui cria :
— Mon petit, tu as douze ans !
Puis elle regarda pour voir ce qui allait arriver.
On ne sait pas si Charles Blanchard avait douze ans. Il ne donna même pas un coup d'oeil, il ne s'inquiéta même pas de savoir si, comme on le lui annonçait, un grand événement venait de se produire. Il tourna sa mère, comme on tourne un obstacle, regagna son coin, et il semblait avoir trouvé là le seul événement qui jamais pût l'intéresser : celui qui consistait en la persistance d'une vie sans chaleur, sans lumière et sans bruit.
Solange Blanchard éprouva un sentiment comme jamais n'en ont éprouvé les mères. Certes, elle avait plus d'une fois donné un coup d'oeil à son fils, mais c'était alors comme nous le faisons d'ordinaire pour les personnes que nous croyons connaître, afin de poser sur sa tête une des idées qu'elle s'était formées à propos de lui. Cette fois-ci elle donna un vrai coup d'oeil, elle chassa toutes ses pensées, pour qu'elles ne pussent la