ENFANCE ET JEUNESSE I9I
L'idée de Yart social n'est rien moins qu'une idée claire. C'est une formule de combat, de contenu vague et sentimental comme celle des Russes : aller au peuple. Ce qui est en question, c'est Informe de l'art : il faut tourner le dos aux symbolistes et décadents, qui ne sauraient être compris du peuple, et revenir à plus de clarté et de sim- plicité. — Ou bien c'en est la matière : l'art sera le miroir de la vie populaire ; il faut abandonner les sujets mondains et vêtir de beauté la vie quotidienne. — Il faut faire enfin l'éducation artistique du peuple, en même temps que son éducation sociale : ce sera l'œuvre du Théâtre Civique^ fondé en juin 1897 par Lumet, Philippe et Prod'homme, et des Universités populaires, dont la plus ancienne, celle du Faubourg S* Antoine, fut ouverte par un ami de Y Enclos^ Deherme, vers la même époque.
Philippe suivit les gens de l'Enclos, parce que son chemin passait par là. On retrouve dans ses lettres quelques-unes de leurs théories. x II en prit ce qu'il pou- vait assimiler. Mais personne au monde ne pouvait mieux que lui se passer de théories. Il n'avait pas besoin d'aller au peuple, il en était. Il créait à sa manière Vart social^ tandis que les autres en parlaient académiquement. Pour parler des pauvres ou pour parler aux pauvres, il ne demandait de leçons à personne. Si Y Enclos n'eût pas existé, ni la pensée de Philippe, ni son œuvre n'étaient changées.
Je crois — que dis-je ? je sais qu'il fut très sincèrement socialiste. Il l'était de naissance bien plus que de doctrine. Il n'avait jamais lu Karl Marx, ni Proudhon. Si on lui par- lait de la loi d'airain ou de la concentration des capitaux,
Voir la lettre de janvier 1896, reproduite dans ce numéro.
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