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308 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Là, dans la chambre de Bubu " le mal " se montre. Ce que je ne nomme pas, Philippe le nomme et il peut le nommer. De quelle candeur singulière épurait- elle la plus vile matière humaine, l'âme de notre pauvre ami ! Oh ! chapitre du " mal d'amour " où le mot cru répété, ressassé, sonne et règne, et sans laideur et sans bassesse, par le miracle inattendu de la chaleur lyrique et de l'appropriation.

Oh ! l'histoire du " mal" dans l'esprit de Bubu, quand il le craint, l'envisage, l'accepte, et s'en emplit, et s'en grise, et le chante, avec le chœur des souteneurs où le grand Jules est choryphée ! En fait, il ne manque pas de beauté ce conflit : Berthe a le mal, Bubu le prendra d'elle parce qu'elle est sa femme et qu'il a choisi son destin, — par point d'honneur et par tendresse.

Mais Berthe ira à l'hôpital. Comme le grand Jules, roi du Maine et semblable à Adam devant les bêtes de la création, fortifiait Bubu dans sa détresse, le sage Louis Buisson console Pierre. Lui aussi a été déçu. Il comptait prendre pour femme une fille du peuple, une petite bonne. Il a dû comprendre que "le peuple aime les plaisirs mauvais." Et pourtant à force d'amour, ne sauverait-on pas une Berthe? Le dogme de rédemp- tion des romanciers russes, Louis Buisson l'enseigne, mais avec le cœur de Philippe, et son langage. N'est-il pas Philippe lui- même ? Je le crois. — Quand Pierre apprend la nature du mal de Berthe, il a peur, mais écrit à la pauvre fille une lettre douce et sans reproches. Et Berthe, l'accusant de son mal, lui répond par une malédiction.

Mais vais-je ainsi narrer chaque chapitre d'une analys vaine et sèche. Tout y est si resserré, contracté, que c'est une trahison d'oublier un trait, ou une tirade. On aura vu du moins à quel rhythme de composition balancée, obéissait ce livre, quelle logique y présidait. La fin se déduit rigou- reusement de la situation réciproque des personnages. Tandis que Berthe est à l'hôpital, Bubu désœuvré, triste, sans le sou, tente un mauvais coup, on l'arrête, et lorsque Berthe sort elle a perdu son soutien naturel. On comprend que

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