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Page:NRF 3.djvu/653

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FERMINA MARQUEZ 643

Il fut jaloux de Santos et il fut jaloux de Léniot. En pensée, il se donnait à elle, pour toujours, ne voyant plus rien au monde, sourd, extasié. Il se remit à vivre. Quelques combats, où il eut le dessus, écartèrent de lui, pour quelque temps, les taquins. Alors il osa faire connaissance avec le petit Marquez, qui était aussi en cinquième. Etre vu avec Marquez lui plaisait ; est-ce qu'ainsi il n'était pas plus près d'elle ; est-ce que son nom n'était pas associé, dans la pensée de ceux qui le voyaient marcher au côté de Marquez, avec son nom à elle ? On écrivait sur les murs les noms de ceux qui devenaient des inséparables ; les amitiés trop exclusives étaient tournées en ridicule, et on les persécutait si bien, qu'on réussissait parfois à les rompre. )h bien, le jour où Camille Moûtier lut, sur les murs du lanège, l'inscription : " Moûtier et Marquez ", il fut plus li qu'il n'avait jamais été depuis son entrée à Saint- lUgustin : " Si elle avait lu cela ! " Il ramenait à elle tous ses propos : parler de son frère, c'était encore, pour lui, parler d'elle; parler de Paris, où elle habitait, c'était encore parler d'elle ; parler de la Colombie, parler de l'Amérique, parler de l'histoire d'Espagne, parler de la bataille de Rocroi, c'était encore parler d'elle ! Les progrès qu'il fit en castillan furent étonnants : le castillan n'était-il pas la langue maternelle de Fermina Marquez ? Et, dans ce prénom étranger : Fermina, il voyait quelque chose d'admirable ; ce prénom résumait pour lui toute la beauté du monde. C'était la plus belle parole qui fût sortie de la bouche des hommes. Il n'aurait jamais trouvé le courage de dire à haute voix : Fe-minita. Ce diminutif était trop familier, trop près d'elle.

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