Page:NRF 3.djvu/786

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

77^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

plancher (ou ces bancs ?) qu'ils n'avaient jamais vus. On se débarrassait, encore, de cette façon, de beaucoup d'ob- jets hors d'usage ; porte-plumes, règles cassées, vieux objets de toilette. Les plus rêveurs d'entre les gosses, le petit Camille Moûtier, par exemple, n'imaginaient pas sans frémir l'aspect de cette chambre morte. Et le voisi- nage des arrêts, où on n'était enfermé que dans les cas les plus graves, achevait de la rendre sacrée, dévouée aux dieux redoutables.

Léniot s'adossa au mur du manège, visa posément, et, d'un mouvement brusque, fit voler la montre et la chaîne à travers le papier crevé. Il entendit deux sons : l'objet avait dû heurter d'abord le mur, au fond de la chambre, et retomber ensuite sur le parquet — Il rentra en étude, soulagé.

Le lendemain, au réveil, une idée lui vint : Marna Doloré ne serait-elle pas surprise de ne pas recevoir, de ses parents à lui, une lettre la remerciant du cadeau fait à leur fils? Car, naturellement, il ne parlerait jamais de cette affaire à ses parents. Et déjà il entendait Marna Doloré dire à sa nièce : " Ces Léniot ne m'ont même pas envoyé un mot de remerciement ; ces gens-là ne savent pas vivre ; " Et sa nièce se rappellerait ce que Joanny Léniot avait dit devant elle : " Des marchands, des financiers, toutes sortes de gens vulgaires. "

Et, le jour de la distribution des prix (elles y vien- draient certainement) elles s'étonneraient de ne pas voir, à son gilet, la lourde et belle chaîne de montre. Et si ses parents aussi venaient de Lyon pour être témoins de son triomphe scolaire, ils salueraient à peine les Marquez, dont il ne leur avait jamais rien dit dans ses lettres. Ah !

�� �