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288 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

aussi aisé que je le supposais. Gratien exerçait sur tout le jardin une surveillance farouche ; non seulement il indi- quait les fleurs qui supportaient d'être cueillies, mais encore était-il jalousement regardant sur la manière de les cueillir. Il y fallait sécateur ou serpette et, de plus, quelles précautions ! C'est ce que Casimir m'expliquait. Gratien nous accompagna jusqu'au bord d'un massif de dahlias superbes où l'on pouvait prélever maints bouquets sans que seulement il y parût.

— Au dessus de l'œil. Monsieur Casimir ; combien de fois faut-il qu'on vous le répète ; coupez toujours au des- sus de l'œil.

— En cette fin de saison, cela n'a plus aucune impor- tance, m'écriai-je impatiemment.

Il répondit en grommelant que "ça a toujours de l'im- portance" et que " il n'y a pas de saison pour mal faire". J'ai horreur des bougons sentencieux...

L'enfant me précéda, portant la gerbe. En passant dans le vestibule je m'étais emparé d'un vase...

Dans la chambre régnait une paix reHgieuse ; les volets étaient clos ; près du lit enfoncé dans une alcôve, un prie-Dieu d'acajou et de velours grenat au pied d'un petit crucifix d'ivoire et d'ébène ; contre le crucifix, le cachant à demi, un mince rameau de buis suspendu à une faveur rose et maintenu sous un bras de la croix. Le recueillement de l'heure appelait la prière ; j'oubliais ce que j'étais venu faire et la vaine curiosité qui m'avait attiré en ce lieu ; je laissais Casimir apprêter à son gré les fleurs sur une commode, et je ne regardais plus rien dans la chambre : C'est ici, dans ce grand lit, pensais-je, que la bonne vieille Floche achèvera bientôt de s'éteindre, à l'abri des souffles

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