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LETTRES DE CHARLES-LOUIS PHILIPPE 365

donc, j'ai été navré de ce lapin d'hier soir. Il faut que je lui écrive. Mais mon imagination chimérique me fait craindre qu'elle ne revienne plus.

— Je vais partir en congé le 3 septembre. C'est singulier que je n'y pense pas à distance comme les autres années. J'attends ce moment incons- ciemment, j'accomplis mes fonctions sans joie, sans espérances. J'aurai pourtant de bien beaux plaisirs d'arbres verts, de ciel et de tendresse. T'ai-je dit que ma petite soeur était enceinte d'une petite fille ? Ce sera pour le mois de novembre. Je tremble un peu parce qu'elle est si faible, mais j'ai bien des espérances aussi de cette petite enfant.

Figure-toi que j'ai rêvé à toi cette nuit et que nos regards se croisaient avec une bonté et une tendresse suprêmes. J'en sens encore le choc au fond de moi-même. Il ne faut pas croire quand j'ai des moments de sécheresse comme ces temps derniers que la sécheresse devienne l'état définitif de mon âme. Je t'assure bien que non. Plus je suis sec certains instants, plus je suis enthousiaste et tendre d'autres fois. Mais que veux-tu, je prends l'habitude d'avoir des crises intellectuelles tout comme un vieux célibataire. Ce qui me manque absolument c'est la société d'une femme. Je deviens raide, méchant, grossier. Cette urbanité banale qu'on rencontre partout me fait défaut. Ce

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