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LE LIVRE DE L AMOUR 4O9

voitures dételées près des calvaires ; les nuages s'étant enfuis, l'espace sans oiseaux s'unissait à la terre sans bornes dans le plus éternel silence et la plus calme des ardeurs, terre et ciel où les der- nières ondées roulaient comme de gros navires. Puis tout de suite ce fut le soir ; creusé d'une insatiable brûlure, l'air devint tout blanc ; et nous arrivâmes au fleuve. Fête de nos yeux ! l'eau était si belle que les musiques à la dérive, nombreuses pourtant dans cette fin de moisson, ne pouvaient l'embellir ; on apercevait sur l'herbe des écharpes, toutes petites d'être mouillées ; les pins de l'autre bord coulaient une ombre noire. Et bientôt les rives s'écartant, nulle barque ne chantait plus ni même ne s'aventurait, le fleuve devenait un miroir, — miroir où rien ne se reflète, pas un mur, pas un arbre, car la plaine en arrière s'étend à l'infini.

C'est alors que me levant je m'écriai : Amour 1 — Ce fut un mot arraché de mes lèvres, tout bas, tout fort, un ravissement presque impossible mêlé d'une obscure résistance ; et elle, qui m'entendit, était aussi près de crier, comme le passant ivre des clameurs de la foule qui se mêle aux soldats et hurle sans savoir quoi...

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Il a plu avant l'aube ; voici le petit jour, et seule une bruine pâle tombe encore du ciel presque pur.

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