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430 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

profondément et se charge d'une plus grande puissance de sentiment qu'aucune autre parole de ce livre incomparable, et qui échappe à la mesure commune des œuvres de ce temps.

Comment expliquer ce phénomène ? Par des considérations ethniques ? Comme aux temps qui ont vu naître l'art gothique, l'élément germanique l'emporterait-il ici sur l'élément celtique ? Hypo- thèse un peu grossière et qui ne semble s'appuyer que sur une pétition de principes. Ou plutôt cette orientation verbale de Péguy correspond-elle à une orientation métaphysique qui nous le fait paraître en opposition à la mentalité française typique ^ Laissez-moi ne pas répondre à ces questions. Cette lettre est déjà tellement longue et dense qu'elle risque de vous paraître un argu- ment contre la langue et la mentalité allemande.

Il faudrait encore se demander si l'on n'enlève pas aux Suisses leur meilleur moyen d'expression quand on les prive de la langue allemande. Il est significatif que leur plus grand poète, Gottfried Keller, parle l'allemand le plus admirable du dix- neuvième siècle, un allemand riche en racines et sans rien de roman. J'ajoute que même aujour- d'hui, l'allemand le plus pur et le plus vigoureux est écrit par des Suisses — peut-être à cause de la lutte qu'il leur faut livrer contre l'épouvantable dialecte qui leur est si cher.

Il faut m'arrêter ; je vois que j'ai déjà passé

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