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ISABELLE 441

fouillait dans un tiroir, s'avisant à son reflet du ruban émeraude qu'elle portait autour du cou, elle le détacha prestement, le roula autour de son doigt... Avant que Madame Floche ne se fut retournée, le ruban vif avait disparu, Isabelle avait pris une attitude méditative, les mains retombées et croisées devant elle, le regard perdu...

La pauvre vieille Floche tenait encore d'une main son trousseau de clefs, de l'autre la maigre liasse qu'elle avait été quérir dans le tiroir ; elle allait se rasseoir dans son fauteuil, quand la porte, en face de celle où j'étais posté, s'ouvrit brusquement toute grande — et je faillis crier de stupeur. La baronne apparaissait dans l'embrasure, guin- dée, décolletée, fardée, en grand costume d'apparat et le chef surmonté d'une sorte de plumeau-marabout gigan- tesque. Elle brandissait de son mieux un grand candé- labre à six branches, toutes bougies allumées, qui la baignait d'une tremblotante lumière, et répandait des pleurs de cire sur le plancher. A bout de forces sans doute, elle commença par courir poser le candélabre sur la console devant la glace ; puis reprenant en quatre petits bonds sa position dans l'embrasure, elle s'avança de nouveau, à pas rythmés, solennelle, portant loin devant elle étendue sa main chargée d'énormes bagues. Au milieu de la chambre elle s'arrêta, se tourna tout d'une pièce du côté de sa fille, le geste toujours tendu, et, avec une voix aiguë à percer les murailles :

— Arrière de moi, fille ingrate ! Je ne me laisserai plus émouvoir par vos larmes, et vos protestations ont perdu pour jamais le chemin de mon coeur.

Tout cela était débité, crié sur le même fausset sans nuances. Isabelle cependant s'était jetée aux pieds de sa

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