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47 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

échauffe ; en un mot, qu'il n'a point cette force de style et cette vivacité d'expression qu'on cherche dans les ouvrages, et qui les font durer. Je ne sais point s'il pas- sera à la postérité ; mais il faudra pour cela qu'il ressus- cite, puisqu'on peut dire qu'il est déjà mort, n'étant presque plus maintenant lu de personne. Il n'en est pas ainsi de Malherbe, qui croît de réputation à mesure qu'il s'éloigne de son siècle. La vérité est pourtant, et c'était le sentiment de notre cher ami Patru, que la nature ne l'avait pas fait grand poëte : mais il corrige ce défaut par son esprit et par son travail ; car personne n'a plus tra- vaillé ses ouvrages que lui, comme il paraît assez par le petit nombre de pièces qu'il a faites. Notre langue veut être extrêmement travaillée. Racan avait plus de génie que lui ; mais il est plus négligé, et songe trop à le copier. Il excelle surtout, à mon avis, à dire les petites choses ; et c'est en quoi il ressemble le mieux aux anciens, que j'admire surtout par cet endroit. Plus les choses sont sèches et malaisées à dire en vers, plus elles frappent quand elles sont dites noblement, et avec cette élégance qui fait proprement la poésie. Je me souviens que M. de la Fontaine m'a dit plus d'une fois que les deux vers de mes ouvrages qu'il estimait davantage, c'étaient ceux où je loue le roi d'avoir rétabli la manufacture des points de France à la place des points de Venise. Les voici. C'est dans la première épître à Sa Majesté :

Et nos voisins frustres de ces tributs serviles Que payait à leur art le luxe de nos villes

Virgile et Horace sont divins en cela, aussi bien qu'Homère. C'est tout le contraire de nos poëtes, qui ne

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