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PETITS DIALOGUES GRASSOIS 531

Mademoiselle Cazagnaire. — Ne faites pas à Dieu l'injure de supposer qu'il s'occupe de ces choses-là !

Madame Charras. — Enfin, pour en revenir à mon récit, cette pauvre Emilie a souffert alors tout ce qu'un homme indifférent et beaucoup trop jeune peut infliger à une femme d'un certain âge et éprise. Elle l'affichait ; lui la rabrouait en public. Un soir, dans un bal, elle lui a fait une scène de jalousie... elle lui tenait le bras. Il a dû lui donner un coup de poing pour se dégager. Elle n'a pu retenir un cri. Et dix personnes virent la scène.

Maurice — C'était un mufle, ce monsieur.

Madame Charras. — C'est ce que je m'entêtais à faire comprendre à cette pauvre amie. Mais quand on est amoureux !...

Mademoiselle Cazagnaire. — Si c'est cela l'amour, je me félicite de ne l'avoir jamais éprouvé.

Madame Charras. — Enfin, elle eut de ses trahisons des preuves si directes, si certaines, qu'elle l'a quitté. Alors... (iS^ tournant vers mademoiselle Cazagnaire.) Eh bien ! oui, c'est alors que M. de Maxence...

Mademoiselle Cazagnaire. — Ah ! je savais bien !...

Madame de Barbaroux. — Nous le savions.

Madame Charras. — Elle souffrit encore six ans. A la fin, il fallut absolument que j'intervinsse. Ce devenait une liaison. Et M. Brun finissait par avoir des lueurs. Je tentai la démarche que me dictait mon amitié. Ah ! ce fut une conversation bien pénible.

Mademoiselle Cazagnaire. — Mais vous avez fait votre devoir, chère madame.

Madame Charras. — Je le crois. C'est ce sentiment qui me fit marcher sur mes scrupules et mes délicatesses.

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