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NOTES 619

sur le sommet du Sinaï, mais une divinité farouche, brutale parfois, comme tels autres vieux dieux. Marie n'eut plus, fleurissant sa fenêtre, les beaux lys tout blancs. Mais le héros de Ch. Morice est bien près de ceux d'entre nous qui, de la négation, du doute, et du sourire philosophique, en sont arrivés, par des chemins souvent obscurs, à tenter la réalisa- tion de ce qu'il y a de meilleur en chacun d'eux, à tâcher de devenir, non pas des surhommes, mais des hommes-dieux, puisque nous voici à la troisième, à la dernière phase de l'his- toire de Dieu, puisque Dieu maintenant veut vivxe en nous, veut disparaître pour confondre sa vie avec la nôtre. Je sais gré à Ch. Morice de n'avoir point fait de Narda, qui converse familièrement avec le Christ dont la présence intérieure le bouleverse, l'exalte et l'abat tour à tour, un de ces héros pour qui le monde réel n'existe pas, et qui, sans souci des nécessités quotidiennes, jettent sur la nudité de la vie le manteau d'un lyrisme éblouissant. C'est notre lâcheté, c'est notre soumission perpétuelle, et humainement inévitable, qui nous empêchent de devenir des hommes-dieux. La loi du Christ nous paraît dure, cruelle. Nous hésitons devant le renoncement, nous reculons devant le sacrifice de nous-mêmes. Nous ne voulons pas nous émonder d'inutiles, de mauvaises branches pour grandir plus vigoureux, plus sains. Avoir de la pitié nous semble pitoyable, de l'amour, ridicule et vain. Nous nous bousculons misérablement, au lieu de nous tendre les bras. Nous ne voulons ni de la vxaie pauvreté, ni de la douceur ni de la pureté, ni de la miséricorde. Ecoutons pourtant :

— Cherchez d'abord mon Royaume : c'est le vôtre. Vous vous connaîtrez en venant à moi, dans le dédain de tout ce qui n'est pas T intérêt suprême, dans le culte de votre seule perfection. Car je tiens pour nul tout T univers, s'il s'interpose entre vous et moi ; il n'y a que moi, qui suis votre perfection, et vous, qui êtes destinés à votre perfection. Tout ce qui vous distrait de moi vous détourne de vous... J'exige de vous les fleurs d'héroïsme et de génie dont fai déposé en vous, amoureusement, la semence.

Tout ce Sermon sur le Mont-Martre est gros de pensées lyriques. Nous l' écouterons... Et rentrerons-nous chez nous,

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