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Page:NRF 6.djvu/257

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NOTES 251

prétexte à mettre en valeur une " étoile " ; sans raison drama- tique, sans raison poétique suffisantes, sans unité, il rejoint dans la convention les divertissements décousus de l'Académie Nationale de Musique. — Que les Russes aient perdu de vue leur but premier : la transposition d'une action en " spec- tacle, " de cela, notre snob n'a cure. Mais pourquoi chercher à lui plaire, quand il est prêt à se plaire à tout, même au beau, à Sadko, à Pétrouchka et au Spectre de la Rose, — k la Péri de Dukas le jour où on la dansera ?..

On ne saurait trop louer M. J. L. Vaudoyer d'avoir adapté à la musique surannée de l'Invitation à la Valse, le Spectre de la Rose de Gautier; grâce à lui nous avons retrouvé Nijinski dans la fermeté de sa ligne, dans la décision de ses bonds, entraî- nant comme un fier parfum dans son onde tourbillonnante, la frêle, fine et légère Karsavina, puis s'évaporant dans la nuit ; on ne peut souhaiter émotion plastique plus pure, plus décisive réhabilitation.

Le ballet de Sadko, de Rimsky-Korsakov, comporte une part admirable de déclamation lyrique qui nuit un peu à la symphonie et aux danses ; mais ce n'est qu'un morceau, il fau- drait le revoir à sa place dans l'opéra.

Quant à Pétrouchka d'Igor Stra\-inski, s'il ne dépasse pas en réussite le Spectre de la Rose, il nous apporte une extraordinaire nouveauté. J'ignore ce que les juges compétents pensent de la musique ; pour moi rien ne m'y choque ; les moyens paraî- traient grossiers s'ils n'étaient dosés à miracle, si ne les com- mandait sans cesse l'action, s'ils ne manquaient jamais leur but, fantasque, pathétique, comique ; c'est le son même du rire, sans montrer de science inutile et sans vain grossissement. M. Benois offrait un thème coloré exquisement funambulesque à cette partition remarquable, qui soulevait les danses sacca- des du nègre batailleur Orlov, de Karsavina-poupée et de Nijinski-pantin.

En dépit du snobisme, non ! la tentative des Russes ne saurait persister longtemps dans le factice.

H. G.

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