Page:NRF 6.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

2 54 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

disent ceux qui ne l'aiment pas : Elle polit l'esprit, elle affine le jugement, et enrichit la mémoire sans la charger; elle fait suivre la peine, ou plutôt les inquiétudes volup- tueuses qu'on se donne dans la recherche, du plaisir de la nouveauté, mais d'une nouveauté surprenante, précieuse et solide, qui ne vieillit point avec le temps parce qu'elle ne lasse ni les yeux ni le goust. La Curiosité ne peut toucher que les grandes âmes, qui ont trop peu de toutes les choses ordinaires ; qui assemblent les siècles et découvrent la nature pour se satisfaire et s'occuper plus noblement ; qui cherchent la vérité dans ses originaux et s'attachent à ces sortes de traits et de beautez qui viennent d'une main plus sçavante que celle de l'Art ; qui par le choix de tout ce qu'il y a de meilleur dans le monde s'en fond un nou- veau ; qui savent unir l'esprit et les sens dans le concert d'une même volupté, et les mettre en société de goust, en donnant des yeux à la raison et de la raison aux yeux. C'est là le génie de la Curiosité, qui n'est ni cette incli- nation de bagatelle et de petites choses qui amusent, ni cette impétuosité de luxe qui abîme les richesses. Elle a plus d'élévation que celle-là, moins d'emportement que celle-ci et la clarté et le discernement qu'elles n'ont ni l'une ni l'autre. Aussi est-ce passion toute divine qui a inspiré les Sciences et les Arts, qui a embelly la terre, qui a ouvert les chemins de l'Océan et enfin qui nous a si bien logés dans le monde. On a vu dans les Républiques et les Empires, la curiosité s'augmenter avec la puissance, comme si l'ambition des Héros n'avait travaillé que pour Elle."

�� �