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PORTRAIT ' 3^7

morceau de toile, et nous partîmes tous les deux à pas de loup.

C'est peu après que je quittai le lycée de B. En fouillant dans mes souvenirs, je ne revois plus Davy qu'un soir, le soir du 14 juillet de cette année-là. Ce jour de fête s'était terminé par un défilé de gens des faubourgs, sous des lampions enflammés, qui chantaient des refrains ignobles. A onze heures, Davy et moi nous décidâmes de rentrer. Dans la rue du lycée, déserte, des lan- ternes brûlaient. Ailleurs, bien loin, ce devait être une extraordinaire nuit d'été. Une fille de notre âge, que nous connaissions je ne sais comment, nous rencontra et nous annonça fièrement :

— Vous savez .? J'ai été raccrochée par deux officiers !...

Avec une espèce de rire tremblant et colère, Davy lui répondit :

— Eh bien ! Si jamais j'arrive officier, c*est pas encore après toi que je courrai !

Et il me regarda, sûr de mon approbation, comme s'il voulait dire : " Nous savons bien, nous, après quelles femmes nous courrons... "

11 y a dix ans que je n'ai pas revu Davy et je sais maintenant que je ne le reverrai jamais. Je n'ai pas d'autre souvenir de lui que deux anciennes cartes postales auxquelles je n'ai pas songé à

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