360 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
plus précieuse. Pendant les quelques journées qui suivirent, je me laissai distraire. A mesure que je consentais à la tiède réalité qui m'entourait, je m'éloignais de mon cœur âpre et exigeant, et du meilleur de moi-même.
Nous retrouvâmes le continent par une claire soirée d'août. Le beau bateau entra comme en triomphe dans une rade couronnée d'îlots. Quoi- que ce fût l'heure du crépuscule, rien ne s'altérait, le soleil, un peu plus pâle à ces hauteurs, continuait sa marche selon une courbe presque parallèle à l'horizon. Derrière un récif en éminence, on devinait la ville et le port. Nous jetâmes l'ancre au pied de quelques hautes falaises, contreforts des rochers du fond dont on voyait de très loin les pignons se dresser dans le ciel. Ces immenses terrasses adossées à la forteresse continentale for- maient une sorte de balcon, d'où l'on devait dominer la terre et la mer. Je ne résistai pas à la tentation d'y monter, profitant d'une sorte d'esca- lier naturel qui d'un côté en rendait l'accès facile. En haut le sol était couvert d'un océan de pierres roulées, glissées, chavirées l'une sur l'autre comme des vagues. Par places, la roche émiettée, creusée en cuvette, nourrissait dans un peu d'humidité des plantes basses et brunes qui formaient tapis sur le gris. Un paysage d'apothéose m'entourait. Du fond maintenant embrumé les puissants mas- sifs de rochers émergeaient, hauts, orgueilleux.
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