Page:NRF 6.djvu/373

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 3^7

eaux miroitantes le souvenir de tous les héroïsmes, de toutes les croyances, de toutes les idées, de toutes les philosophies, de toutes les formes d'art et de pensée qui, du fond de l'Asie touffue, sont venues, à travers la Grèce et l'Italie, exalter et réjouir le cœur et l'esprit, l'âme et les sens de nos aïeux "... Mais c'est, le plus souvent, une paisible et lucide promenade parmi les "secs et clairs" paysages de Provence où Pu vis de Chavannes puisa son inspiration.

Après avoir évoqué le " milieu '", Gabriel Mourey se plaît à décrire les " âmes " et les " visages ". C'est la partie la plus alerte de son livre. Il n'a garde d'ajouter le moindre trait à ceux que sa mémoire d'enfant lui restitue. Ils sont très simples et très vifs ; ils suffisent à animer tout un petit univers. Mion et Nini, les deux sœurs inséparables dont une sorte de béati- tude religieuse, d'admiration par le Créateur comblaient l'âme, et qui "avaient des prières spéciales, appropriées aux circon- stances, de ces oraisons brèves et naïves, composées par Mion sans doute, où chacune de leurs pensées, plaisir ou joie, chacun de leurs actes s'offrait à Dieu, humblement et IjTiquement. " Denis, le peintre, qui de sa fenêtre, soigne la vigne qu'il a plantée " dans une caisse suspendue au long du mur extérieur, et que par un jeu de poulie il fait descendre lentement, selon les progrès du cep, jusqu'à ce qu'elle touche la terre : la treille pousse ainsi de haut en bas et l'ingénieux Denis jouit déjà de l'ombre qu'il eût, différemment, attendue des années et des années. " Joseph, le pharmacien, ennemi de la science, qui attribue le refroidissement de la terre aux courants d'air établis par le percement des tunnels, et qui propose de " fermer " le canal de Suez ! Baptistin, l'idiot, le bouffon de Mazargues, "la pauvre bête aux yeux vides et doux", mais dont la manie est de vouloir embrasser les filles qu'il rencon- tre : " elles le repoussent ; il les poursuit, mais, malgré la hâte avec laquelle il gigote, ne parvient jamais à les atteindre ; alors, furieux, brandissant une de ses pattes de bois, il fait le geste d'en assommer l'objet de son désir et, s' acharnant sur l'imaginaire victime étendue sans connaissance à ses pieds, il frappe la terre, rageusement, de grands coups qui soulèvent autour de lui un nuage de poussière. "

�� �