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ADDIS-ABEBA 433

s'espacent. C'est la limite de la ville. Entre les haies qui s'écartent, un clair horizon plat commence de s'ouvrir, dont, passé la Kabana qui roule son flot sale dans un creux encombré de pierrailles, rien ne nous sépare plus. Il n'est que la plaine désormais devant nous.

Et quelle plaine ! A quinze kilomètres à la ronde, le pays autour d'Addis-Abeba est découvert et nu, sans une colline, sans un bouquet d'arbres qui en rompe la ligne inflexible et monotone. Parfois un court plissement, une ride abrupte où les eaux qui ies ont creusés ruissellent à la saison des pluies, mais on ne les aperçoit qu'au moment où ils s'ouvrent sous les pas... Pas même une avare brous- saille, un buisson de ronces ou d'épines : tout a été dévasté, déboisé jusqu'aux racines, par im peuple impré- voyant et qui ne sait pas replanter. La route là-dedans n'est qu'une étroite piste battue par le pied nu des paysans qui s'en vont le samedi au marché. La terre est noire. Depuis deux mois, il n'est pas tombé la moindre averse ; le sol apparaît fendillé, craquelé, gercé. Sitôt que les chevaux s'écartent, leurs sabots se prennent dans les cre- vasses qui cèdent et poudroient. Au moment des récoltes, tout cela n'est que champs d'orge et de pois chiches, profonde et mouvante fourrure de verdure. On n'a jamais fini de rassembler, de fouler la moisson, et sous le poids des gerbes, les petits ânes disparaissent ensevelis et comme ployés. C'est à présent un steppe jaunâtre, tout hérissé d'herbes roides et cassantes, poussant en touflPes éparses qui laissent voir un terreau couleur de cendre. Au bord de la piste, de temps en temps, des carcasses de mulets, de chameaux, les unes récentes et que sans doute, la nuit, viennent encore flairer les hyènes, les autres vieilles,

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